ETAPE 1 : PREMIERS PAS LA DÉCOUVERTE ET LA DOCUMENTATION
- ANATERRE
- 7 oct. 2018
- 11 min de lecture
Journée 1 - Vendredi 28 Septembre : Familiarisation avec les outils et premiers pas sur le terrain
Le premier jour de notre enquête de terrain a permis de poser des bases solides quant à notre approche du terrain. À travers la présentation de Nanterre par les acteurs du service d’urbanisme de la ville de Nanterre, M. Manuel Mossu, service prospective et stratégie urbaine de la ville de Nanterre ainsi que Mme Geneviève Bernanos, directrice de l’aménagement et du développement de la ville de Nanterre, nous avons pu saisir une vision globale des enjeux du territoire.
Nanterre, un territoire contrasté : 95 000 habitants, 95 000 emplois et pourtant un fort taux de chômage, notamment chez les jeunes. Cette commune au territoire historiquement ouvrier, se trouve aux portes du plus grand quartier d’affaires d’Europe : La Défense. À travers le projet du site de La Défense imposé par l’Etat, la ville essaye de tirer profit des aménagements des terrasses de Nanterre afin de développer la ville tout en conservant sa mixité sociale. C’est à travers deux premières balades urbaines que notre groupe essayera de saisir objectivement ces contrastes.
La première balade, guidée par Mme Bernanos et M. Mossu, a surtout permis de comprendre comment la ville opérait une transition notable à travers de nombreux projets de renouvellement urbain tout en essayant de garder un certain nombre de logements sociaux, d’attirer de nouvelles entreprises, de créer des espaces publics. En partant de l’Université Paris Nanterre, nous sommes passés devant le terrain du futur bâtiment des Archives, puis par la cité Anatole France et la nouvelle école INOV. Nous avons ensuite traversé le pont surplombant l’A86 (pollution sonore) pour arriver vers le site des Papeteries - parc du chemin de l’île - vue sur l’échangeur A86/A14 en travaux - puis l’écoquartier Hoche et le site du Docteur Pierre - et enfin le centre-ville. Nous avons pu voir la diversité des projets entrepris par la ville mais aussi, et surtout, comprendre la complexité à créer un “projet de territoire” qui pourrait créer une cohésion au sein de la ville.
Photo de gauche : échangeur A14/A86 ; Photos centrales : écoquartier Hoche
Photo de droite : site du Docteur Pierre
La seconde balade urbaine, guidée par Michel Mathys, président de l’association ABERPA (Association des habitants du secteur Berthelot Pascal) a débuté par la Gare Nanterre-Université, en haut de l’escalier menant au parvis de l’université, puis nous nous sommes dirigé vers le projet « Cœur de quartier », puis vers le centre social et culturel La Traverse animé par l’association Unis vers Cités. Ensuite, nous avons atteint les Terrasses de Nanterre, puis la cité des Provinces Françaises. “Urbanisme pas à pas”, “espace d’accueil locataire”, l’école, la place Nelson Mandela et enfin les Groues. Cette balade a participé à déconstruire les stéréotypes que nous pouvions avoir sur la ville mais aussi à y poser un autre regard au quotidien. Si la ville bruyante et en chantier est très présente pendant cette matinée, ce n’est pas cela que nous retenons. Cette promenade nous a plutôt ouvert les yeux sur les multiples tensions (sociales, de pouvoir, etc.) qui traversent cette ville de banlieue.
Ces deux balades, ainsi que la rencontre avec ces intervenants, ont guidé notre premier choix de territoire. Étudiants à Nanterre, certains depuis plus de 3 ans, nous n’avions que très peu de connaissances sur cette ville et beaucoup d’entre nous considéraient l’Université de Nanterre comme un “îlot construit au milieu de nul part”. Les balades ont donc permis de nous détacher des a priori et idées préconçues que nous avions sur cette commune. Dans le cadre du thème “À l’ombre de la Défense”, les communes de Courbevoie, Puteaux, La Garenne-Colombes et Nanterre sont impliquées. Néanmoins, cette première journée - première vue d’ensemble sur des enjeux politiques, socio-économiques et urbains - a largement influencé notre choix de s’intéresser au territoire de Nanterre en attisant notre curiosité.
En amont, nous avons pu nous préparer plus techniquement à travers la lecture de la théorie sur les enquêtes de terrain. Cette première familiarisation avec les outils de terrain permet d’ouvrir le champ des possibilités d’actions et de moyens d’enquêter sur le terrain mais nous a également servi à comprendre la nécessité de l’adaptation pertinente des outils utilisés face aux situations rencontrées et surtout face à la difficulté imposée: le délai d’une semaine de recherche en groupe de huit personnes.
Cette journée correspond donc à la découverte du terrain, aux premiers pas, certes timides, vers une délimitation de terrain.
Journée 2 - Samedi 29 Septembre : Première balade urbaine à Nanterre

Notre parcours illustré
En ce deuxième jour d’enquête de terrain, nous décidons de tous nous retrouver sous la Grande Arche de La Défense. Partir de “la lumière” de La Défense, nous semblait comme une évidence afin de comprendre le thème “À l’ombre de La Défense” et de saisir complètement l’ampleur du projet Seine-Arche.
Il est 10h15 lorsque nous entamons notre parcours. Nous longeons les Terrasses de Nanterre. Si tôt ce samedi matin, les terrasses manquent de vie. Il n’y a que quelques passants. Cela nous donne l’impression qu’il y a deux vies dans ce quartier : une vie calme les week-ends, des rues vides et même le terre-plein central accueillant des espaces verts est vide mais des espaces animés en semaine, surtout grâce aux travailleurs de La Défense gravitant autour des Terrasses.
Nous passons par la place Charles de Gaulle, où nous ressentons l’envie (et c'est bien la première fois) de nous arrêter. Des restes de l’armature des étales éphémères du marché encadrent l’esplanade et nous percevons mieux une vie de quartier. Des cafés ouverts, des habitants qui se rencontrent, nous entraînent à nous arrêter prendre un café.
Nous descendons les Terrasses et arrivons sur le chantier du projet “Cœur de Quartier”. De nombreuses grues nous donnent un sentiment d’écrasement. Nous décidons de continuer notre chemin vers la nouvelle gare de Nanterre-Université. De là, nous descendons l’esplanade de la gare et nous dirigeons vers la cité Anatole France. Après avoir traversé ce gros projet de Cœur de Quartier et la nouvelle gare en parfait état, la cité Anatole France et ses trois grandes barres semblent comme délaissées, d’autant plus que celles-ci font face au nouveau campus INOV et sont délimitées par les immeubles d’habitation des Voiles Blanches qui semblent avoir été construit récemment. Anatole France dénote par son architecture et semble oubliée par la commune.
Nous continuons notre chemin vers les anciennes papeteries. Pour cela, nous passons par l’imposant axe structurant qui délimite complètement le quartier que nous quittons: l’autoroute A86. Beaucoup de nuisances sonores et olfactives, nous pressons le pas pour nous éloigner de l’autoroute. Arrivés sur le site des papeteries, futur projet de renouvellement urbain, nous ne croisons personne. Evidemment, il ne semble pas y avoir d’immeubles d’habitation et nous continuons notre route vers le parc du chemin de l’Île. L’aménagement du parc est très agréable mais peu de familles semblent s’y retrouver à cette heure de la journée. Nous avons l’impression que les espaces publics aménagés ne sont pas pleinement exploités par les habitants, bien que nous soyons un samedi en début d’après-midi. Cette impression est à nuancer et nous sommes conscients qu’il faudra y revenir pour s’assurer de la non-utilisation de cet espace public.
Nous arrivons sur les bords de Seine, où la promenade devient très agréable par un temps radieux. Après quelques minutes à longer les berges, nous décidons de nous enfoncer dans le quartier du Chemin de l’Île. Nous traversons la cité des 5 tours qui nous marque par ses tours imposantes, sa densité devinée à travers les petites fenêtres si proches les unes des autres. Dans la cité, il y a des équipements sportifs, des voitures “en pièces détachées” qui nous donnent l’impression d’un garage à ciel ouvert… Puis, nous débouchons sur une rue pavillonnaire qui contraste complètement avec l’environnement derrière nous. Le long de la rue pavillonnaire, nous voyons le chantier du futur projet “Cœur de l’Île” (dont la livraison est prévue en 2020 ; le projet comprend une poste, une pharmacie, un supermarché, une brasserie… et 111 logements en accession encadrée ainsi que 90 logements étudiants). “Encore un chantier”… Mais qui, nous l’espérons, apportera une vie de quartier et de la cohésion dans un quartier partagé entre le pavillonnaire et les tours HLM.
Nous continuons notre chemin en nous dirigeant vers le centre-ville. Pour cela, nous passons par la place du marché, où les services de nettoyage s’affairent à rendre le lieu en état après la fin du marché… Nous regrettons d’avoir manqué le moment du marché, moment fort et représentatif d’une vie de quartier. Nous arrivons ensuite vers le centre-ville. Nous nous y sentons tout de suite à l’aise; beaucoup de monde dans les rues commerçantes, un esprit “vieux centre” traditionnel où beaucoup se déplacent à pied. Ce bourg est charmant et nous traînons un peu plus les pieds, comme si nous voulions y rester plus longtemps. Mais nous nous dirigeons enfin vers la place de la Boule: énorme rond-point au carrefour de plusieurs quartiers de Nanterre. Beaucoup de circulation, voitures et transports en commun, mais peu de piétons, les rues environnantes ne sont foulées par seulement peu d’habitants.
Nous retournons sur nos pas et passons par la ZAC Ste Geneviève, écoquartier de plus de 600 logements, dont le calme nous surprend. La ZAC, encadrée par des clôtures, nous donne le sentiment d’être enfermée sur elle-même.
Nous décidons, en cette fin de journée, de nous retrouver au centre-ville afin de regrouper nos impressions générales.
Les fragmentations de la ville sont très visibles et nous remarquons que la ville se pense en tant que quartier et non comme une ville dans son ensemble. Les quartiers sont en effet tournés vers eux-mêmes et l’hétérogénéité des espaces marque d’autant plus ces fragmentations. On passe d’atmosphères en atmosphères, chaque nouvel espace incarnant une ambiance différente. Il y a peu d’endroits où se rencontrer et les espaces publics semblent peu investis par les habitants, peut-être car “l’accès aux espaces verts ne va pas de soi”. “C’est un peu une ville morte”… Nous sommes tous étonnés du peu d’habitants croisés sur notre chemin lors de notre parcours, hormis au centre-ville qui semble avoir sa propre dynamique. Les mobilités dans la ville semblent être elles aussi fragmentées et ne pas inclure tout le monde. Il y a un grand nombre de chantiers, ce qui rend difficile de se projeter dans la ville. Le projet Seine-Arche semble s’être imposé sur un territoire sans en comprendre ses complexités et enjeux ; c’est un “territoire éventré par les opérations d’aménagement”. Nanterre est un territoire complexe, qu’il est difficile de saisir.
De gauche à droite et de haut en bas: Itinéraire de notre parcours - Arche de La Défense - Les Terrasses de Nanterre - Anciennes Papeteries - Parc du Chemin de l'Île - Bords de Seine - Cité des 5 tours - Projet "Cœur de Quartier - Centre-ville - ZAC Ste Geneviève
Journée 3 - Dimanche 30 Septembre : Documentation et première balade

Pour cette troisième journée, nous décidons de nous retrouver tous ensemble afin de nous documenter de manière plus approfondie sur la ville de Nanterre. Notre objectif est — après avoir découvert le terrain — de se renseigner sur des données plus théoriques afin d’orienter notre choix de terrain.
Nous nous sommes répartis le travail par axes de recherches: les données statistiques, l’histoire de la ville, le projet Seine-Arche, les projets urbains à venir, les caractéristiques de chaque quartier visité, le PLU de Nanterre, ainsi que le rôle des acteurs à différentes échelles. Nos recherches documentaires nous ont permis, à terme, de soulever les premières problématiques nous menant à notre choix de terrain.
Notre compréhension de l’histoire de la ville nous a permis de comprendre plus précisément l’attachement de la municipalité au développement de logements sociaux. La ville s’est développée autour du chemin de l’Île et du vieux centre ; la place de La Boule était une place royale et le Mont Valérien était reconnu pour les cultes religieux. Lors de la Révolution française, la ville a été coupée de Paris et les échanges entre Nanterre et Paris ont été interrompu. Les échanges ont repris avec l’implantation des chemins de fer en 1837, notamment avec la première ligne de transfert pour voyageurs. La ville s’est développée avec des populations implantées autour de la gare et les familles ouvrières s’installent dans les années 1920. À la fin du XIXe et début XXe siècle, les industries s’installent (élevage, papeteries, dentifrice, alcool, biscuiterie), près de l’eau, de la Seine, où de vastes terrains pouvaient être investis. Avec l’élection du maire Raymond Barbet — qui participe à la création des offices HLM — on voit l’aménagement des quartiers populaires se mettre en place. Dans les années 1960, viennent la construction de l’Université Paris X, du RER et des autoroutes. Nanterre devient un territoire attractif, on rénove le vieux centre. On assiste à une transformation brutale pour pouvoir implanter de gros projets.
La ville est historiquement communiste et voit, depuis 1933, des maires du parti communiste mettre en place des infrastructures sociales, des écoles, crèches, maisons de jeunes dans une volonté d’offrir des logements sociaux pour tous.
Selon l’INSEE, en 2015, la ville de Nanterre comprend 93 742 habitants, c’est la deuxième commune la plus peuplée du département des Hauts-de-Seine et la cinquième de la région. La population est plutôt jeune, il y a plus de femmes que d’hommes et beaucoup de familles. 32% de la population active travaille à Nanterre, et le taux de personnes sans activité est de 21,8%. Il y a 11,8% de chômage, surtout chez les moins de 24 ans. On a un taux de pauvreté de 21,2%. Le taux de logements sociaux est élevé : 54%.
Environ 50% des habitants déclarent prendre les transports en commun, 38% se déplacent en voiture tandis que 9,7% sont à pied.
En s’intéressant aux différents quartiers composant la commune, notre curiosité est piquée par la création administrative d’un nouveau quartier; le quartier République comprenant deux grands pôles d'habitation ; la ZAC Rouget-de-Lisle, construite dans le cadre du projet Seine-Arche et la cité Anatole France, 3 barres HLM construites en 1954-55. Nous nous demandons alors : “est-ce que cette délimitation est pertinente?”. La ville de Nanterre est en pleine mutation avec de multiples projets et opérations sur les différents quartiers de Nanterre. Nous évoquons l’idée de travailler sur le quartier de République mais le quartier Université semble tout aussi intéressant, sa manière d’être enclavé et d’être en repli sur soi-même, comme ignorant l’existence du reste de la ville.
Le projet Seine-Arche vient modifier considérablement la ville de Nanterre et accentue les fractures urbaines qui étaient déjà présentes à travers les axes structurants.
“Travailler sur un quartier en chantier, où l’on saisit que peu les résultats de ces aménagements est-il une bonne idée ?”
Le thème “À l’ombre de La Défense” nous amène à questionner l’identité de Nanterre : est-ce pertinent de dire que la ville perd son identité ? Est-ce que la Défense « écrase tout » symboliquement, financièrement et idéologiquement ?
Réflexions entre nous:
"- On ne voit pas trop de vie de quartier dans tous les endroits où nous sommes passés dans la ville...
- On y est allé un samedi aussi. Donc notre vision de la ville est sans doute biaisée.
- Peut-être... Moi je pense qu’elle n’est pas si biaisée que ça. A Rueil-Malmaison, par exemple, le Samedi quand il fait beau, tout le monde est dans les rues, à la différence de Nanterre où il n’y a personne.”
Nous avons relevé énormément de problématiques qui traversent Nanterre : mobilités, trajectoires individuelles, sentiments d’appartenance aux quartiers, fragmentations spatiales… Et nous avons des difficultés à circoncire le travail : est-ce qu’il faut penser « projet » ou plus en termes d’étude socio-urbaine ? Pourquoi comparer deux territoires ? Quelles variables comparer ? Ne sommes-nous pas trop subjectifs ?
Nous voulions mieux cerner la ville, la remettre dans son contexte global et à différentes échelles. Nous sommes conscients qu’il faut faire attention à ce qui nous a été dit vendredi par les acteurs de l’urbanisme de la ville de Nanterre : ne pas être influencés dans la perception de la ville, ce qui aurait orienté notre regard. La fin de la journée approche et notre réflexion se précise un peu plus quoique toujours floue: le quartier République semble représentatif des dynamiques de Nanterre (une cité HLM, une nouvelle gare RER, l’A86 délimitant le quartier, une ZAC mise en place dans le cadre du projet Seine-Arche, les anciennes Papeteries dans un futur projet de renouvellement urbain…). Dans l’attente du premier rendez-vous avec Frédéric Dufaux, notre première idée semble alors de travailler sur ce quartier.

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